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La loi sur la protection des variétés améliorées des plantes de l’Organisation Régionale Africaine de la Propriété Intellectuelle (ARIPO) criminalise les droits des agriculteurs et bouleverse les systèmes semenciers en Afrique |
22 octobre 2013 - http://www.africanbiodiversity.org/content/alliance_food_sovereignty_afsa L’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique (ASAA) est gravement préoccupée par un projet de loi élaboré sous les auspices de l’Organisation Régionale Africaine de la Propriété Intellectuelle (ARIPO), portant sur un cadre juridique régional harmonisé pour la protection du droit des sélectionneurs de plantes , intitulé « Projet de politique régionale et cadre juridique pour la protection des variétés améliorées de plantes " ARIPO recherche l’approbation des États membres [1] pour l’adoption du cadre juridique, probablement lors du prochain Conseil d’Administration et du Conseil des Ministres de l’ARIPO, qui se tiendra du 25 au 29 Novembre 2013 à Kampala, en Ouganda. Le cadre juridique régional fait partie d’une tendance plus large en Afrique à harmoniser les lois sur les semences au niveau des communautés économiques régionales afin d’assurer sans faille et de manière expéditive, au niveau régional, la mise en marché des variétés de semences sélectionnées pour le commerce au bénéfice des multinationales semencières. Il est également conçu pour faciliter la transformation de l’agriculture africaine de l’agriculture paysanne à la Révolution verte/Agriculture industrielle, intrinsèquement inéquitable, passéiste et non durable. C’est également un mécanisme destiné à contraindre les pays africains à adhérer à l’UPOV 1991, un régime juridique restrictif et inflexible qui accorde des droits de propriété intellectuelle extrêmement forts aux sélectionneurs commerciaux et sape les droits des agriculteurs. Le cadre juridique de l’ARIPO, s’il est approuvé, sera pour les agriculteurs un engagement à rendre illégal leur pratique séculaire de libre usage, échange et vente de semences / matériel qui se multiplient ; une pratique qui sous-tend 90% des systèmes d’agriculture des petits exploitants en Afrique sub-saharienne. La raison apparente du projet de cadre juridique émane du Secrétariat d’ARIPO - un champion dévoué de l’UPOV 1991 - qui pense qu’un système régional PVP est nécessaire pour promouvoir la Recherche-Développement pour les nouvelles variétés de plantes et que les variétés de plantes très performantes vont augmenter la productivité agricole, améliorer les revenus des ruraux et assurer la sécurité alimentaire en Afrique. Ces affirmations sont, à leur tour, entièrement fondées sur celles faites par le Secrétariat de l’UPOV, les entités étrangères telles l’United States Patent and Trademark Office (USPTO), l’Office communautaire des variétés végétales de la Communauté européenne (OCVV) et l’industrie des semences (par exemple, l’Association Africaine de commerce de semences (AFSTA), le Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants (GNIS), en France et la Communauté internationale des sélectionneurs de plantes ornementales et fruitières asexuellement reproduites (CIOPORA). Toutes ces entités se sont investies dans la promotion de l’UPOV 1991. Les associations de semences représentent des entreprises puissantes qui feront d’énormes profits commerciaux de la mise en œuvre de la Convention UPOV 1991 dans les États membres de l’ARIPO. Il n’y a tout simplement aucune preuve que la présence d’un système PVP fondé sur l’UPOV 1991 favorisera le développement de nouvelles variétés où il n’existe aucun marché [2], ce qui est le cas pour la plupart des États membres de l’ARIPO. Il n’y a également aucune preuve empirique indépendante qui soutient l’opinion que l’UPOV 1991 permettra d’améliorer les revenus des ruraux et la sécurité alimentaire. En effet, l’adoption de la Convention UPOV 1991 va plutôt augmenter les importations de semences, réduire l’activité de sélection au niveau national, faciliter la monopolisation de systèmes semenciers locaux par des sociétés étrangères, et perturber les systèmes agricoles traditionnels. Les agriculteurs, les organisations paysannes et autres membres de la société civile ont été exclus du processus d’élaboration du cadre juridique. L’industrie et ses associations alliées telles que la CIOPORA, AFSTA, GNIS, USPTO, le Secrétariat de l’UPOV, l’OCVV ont largement été consultés. Des Organisations de la société civile et des représentants des groupes de paysans petits producteurs -membres de l’AFSA - ont présenté une critique détaillée du projet de règlement, invitant les États membres de l’ARIPO à rejeter le cadre juridique régional de l’ARIPO et à soutenir le développement de lois sur les semences qui reconnaissent l’importante contribution des paysans en tant que sélectionneurs et qui soutiennent et promeuvent les pratiques coutumières des paysans petits producteurs de réutiliser les semences paysannes. Cependant, nos préoccupations n’ont pas été prises en compte, tel que constaté au cours des dernières délibérations d’ARIPO sur le projet de cadre juridique, qui s’est tenue à Lilongwe au Malawi, du 22 au 23 Juillet 2013. Résumé de nos principales préoccupations 1. Le projet de cadre juridique est fondé sur l’UPOV 1991, un régime juridique contraignant et inflexible. UPOV 1991 émane de pays industrialisés, en réponse à l’avènement de l’agriculture commerciale à grande échelle et l’amélioration des plantes pour le commerce. Il se concentre uniquement sur la promotion et la protection des sélectionneurs de semences industrielles qui développent des semences génétiquement uniformes / variétés de plantes adaptées à l’agriculture mécanisée à grande échelle. Le cadre UPOV 1991 est tout à fait impropre à l’agriculture africaine et ne reflète ni ne répond absolument pas aux systèmes agricoles et aux conditions qui prévalent en Afrique. Il est à noter que 12 des 18 membres de l’ARIPO sont des pays moins avancés (PMA) - dont certains sont les plus pauvres au monde [3]. Ironiquement, les PMA ne sont actuellement sous aucune obligation internationale de fournir aucune forme de protection des variétés améliorées de plant, et encore moins une fondée sur l’UPOV 1991 ! 2. Le projet de cadre juridique, facilite les systèmes de monoculture de style industriel, tendant lourdement à favoriser la protection des droits de propriété intellectuelle des sélectionneurs de semences pour le commerce. Il vise à remplacer les variétés traditionnelles par des variétés commerciales uniformes et à accroître la dépendance des paysans petits producteurs aux variétés de semences commerciales. Ce système vise à obliger les agriculteurs à acheter des semences pour chaque saison culturale ou de payer des redevances au semencier en cas de réutilisation des semences paysannes. En outre, les agriculteurs sont tenus d’acheter des intrants coûteux (par exemple engrais) puisque la performance de ces variétés commercialement protégées est souvent liée à ces intrants, créant ainsi le cercle vicieux de la dette et de la dépendance. Un tel système entraînera l’érosion de la diversité des cultures et réduira la résilience face aux menaces telles que les ravageurs, les maladies et le changement climatique. Elle entraînera également l’endettement des agriculteurs face à des revenus instables (puisque les recettes pourraient varier en fonction des saisons). En outre, ces variétés à rendement élevé au plan commercial sont très susceptibles d’être moins adaptées aux conditions agro-écologiques spécifiques dans lesquelles les agriculteurs travaillent, et pour lesquelles les variétés paysannes traditionnelles localement adaptées sont, de loin, plus appropriées. 3. En Afrique les agriculteurs comptent beaucoup sur les semences de ferme, les échanges entre parents et voisins, le troc avec d’autres agriculteurs, ou l’accès à des semences à travers les marchés locaux. La confiance à des sources de semences informelles ne dépend pas du fait que les agriculteurs cultivent des variétés locales ou moderne. Les raisons pour cela en sont les suivantes : accès inadéquat aux marchés ; les réseaux du marché sont défavorables aux agriculteurs vivant dans les zones reculées ; l’accès limité aux ressources financières ou au crédit pour acheter des semences ; l’incapacité d’un système formel de fournir un accès adéquat et opportun à des semences de qualité, provenant de variétés améliorées et de variétés spécifiquement adaptées aux conditions locales. Le cadre juridique ARIPO a les implications suivantes pour l’exercice des droits des agriculteurs :
Cela contraste fortement avec le rôle historique joué par les gouvernements africains dans la défense de la protection et le renforcement des droits des agriculteurs dans divers fora internationaux. Beaucoup de membres de l’ARIPO sont également Parties du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (Traité international), qui affirme que « les droits reconnus dans le Traité de conserver, utiliser, échanger et vendre les semences de ferme et autres matériels de multiplication sont fondamentales pour la réalisation des droits des agriculteurs, ainsi que la promotion des de leurs droits aux plans national et international, de même que la participation à la prise de décision concernant le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ». Il exige également des parties contractantes de prendre la responsabilité de réaliser les droits des agriculteurs et de « prendre des mesures pour les protéger et promouvoir. 4. Le projet de loi porte atteinte aux droits souverains des Etats membres à travers le fonctionnement d’un système d’approbation PVP centralisé qui va remplacer le droit national. Il est envisagé que l’Office de l’ARIPO aura la pleine autorité pour accorder et administrer les droits des sélectionneurs au nom de tous les Etats contractants (par exemple pour décider ou non d’accorder une protection, émettre des licences obligatoires ou annuler les droits des sélectionneurs, etc) pour les variétés protégés par le système régional. Cette approche top-down empêche effectivement les membres individuels de l’ARIPO de prendre toute décision relative aux variétés améliorées de plantes, décisions qui sont au cœur même du développement socio-économique national et des stratégies de réduction de la pauvreté. 5. Le projet de loi facilite la biopiraterie en ce qu’elle n’exige pas du sélectionneur de dévoiler l’origine du matériel génétique utilisé pour développer la variété qu’il souhaite protéger. Il ne prévoit pas de mécanismes de consentement préalable en connaissance de cause ni l’accès ni le partage des avantages. En l’absence de ces éléments, le projet de loi met en place un cadre pour les sélectionneurs commerciaux - dont la plupart sont susceptibles d’être des entités étrangères - d’utiliser le matériel génétique local pour développer des variétés qui sont ensuite exclusivement approprier par ces sélectionneurs à travers le système PVP établi par le cadre juridique régional. Le protocole proposé va probablement faciliter la biopiraterie, plutôt que de l’empêcher. Il est inacceptable que, tandis que les nations africaines promeuvent « les accords de divulgation de l’origine, les dispositions et les mécanismes de partage des avantages de la propriété intellectuelle (IP) dans divers fora internationaux (par exemple, l’OMC, l’OMPI), l’ARIPO - une organisation régionale africaine - ignore ostensiblement de tels mécanismes. 6. Nous réitérons notre appel que les Etats membres de l’ARIPO doivent rejeter le cadre juridique et s’abstenir d’adhérer à l’UPOV 1991. Nous appelons les donateurs à cesser de soutenir ces règlements, qui portent atteinte à notre souveraineté nationale et à l’espace politique. Nous appelons d’urgence à un processus ouvert, transparent, impliquant les paysans petits producteur, en particulier, afin de discuter des lois sur les semences appropriées pour l’Afrique, où l’obligation de protéger la biodiversité, les droits des agriculteurs et la productivité écologique globale est enchâssée comme un objectif primaire. CONTACT :
L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) http://www.africanbiodiversity.org/content/alliance_food_sovereignty_afsa représente une voix continentale contre l’imposition en cours de l’agriculture industrielle en Afrique et pour la souveraineté alimentaire à travers l’agriculture écologique. AFSA est une grande alliance africaine de réseaux régionaux d’organisations paysannes et d’ONG et d’autres alliés variés. Le but est d’apporter une plus grande cohésion continentale à un movement de souveraineté alimentaire déjà en développement en Afrique. [1] Botswana, Gambia, Ghana, Kenya, Lesotho, Liberia, Malawi, Mozambique, Namibia, Rwanda, Sierra Leone, Sudan, Swaziland, Tanzania, Uganda, Zambia and Zimbabwe. [2] Correa, C., “Designing Intellectual Policies in Developing Countries” by Carlos Correa, Third World Network (2010) ; Dufield, G., “the Role of the International Union for the Protection of new Varieties of Plants (UPOV), Quaker UN House, 2011. [3] Botswana, Gambia, Ghana, Kenya, Lesotho, Liberia, Malawi, Mozambique, Nambia, Rwanda, Sierra Leone, Somalia, Sudan, Swaziland, Tanzania, Uganda, Zambia, Zimbabwe |
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