Solidarité internationale et luttes sociales en Afrique subsaharienne |
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Agriculture - Accès à la terre - Souveraineté alimentaire
Message du ROPPA au Premier ministre Tony Blair et aux membres du G8 |
7 septembre 2005 - http://www.roppa.info/ Dix ans après la sonnette d’alarme actionnée par le Sommet Mondial de l’alimentation de 1996, peu d’évolution est constatée dans la l’amélioration de la situation alimentaire d’une large frange de la population du globe. Ils sont encore huit cent quarante (840) millions de personnes qui souffrent de la faim et, deux (2) milliards de carences nutritionnelles. C’est dire que l’objectif de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim d’ici à 2015 ne pourra être atteint si la tendance observée est maintenue. Dix ans après la sonnette d’alarme actionnée par le Sommet Mondial de l’alimentation de 1996, peu d’évolution est constatée dans la l’amélioration de la situation alimentaire d’une large frange de la population du globe. Ils sont encore huit cent quarante (840) millions de personnes qui souffrent de la faim et, deux (2) milliards de carences nutritionnelles. C’est dire que l’objectif de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim d’ici à 2015 ne pourra être atteint si la tendance observée est maintenue. La situation est particulièrement pour l’Afrique. De millions de personnes vivent la précarité alimentaire et la pauvreté au quotidien. Plus de la moitié de la population des pays africains au Sud du Sahara ne disposent pas de 1 USD par jour pour se nourrir et s’épanouir. Les trois quarts de ces pauvres viennent du milieu rural. Ainsi, la faim et la pauvreté touchent d’abord ceux qui sont dans les exploitations familiales agricoles et qui fournissent l’essentiel des produits alimentaires de base. Les raisons avancées pour expliquer la famine et la pauvreté sont connues et récurrentes. Pour y remédier, nous avons entendu les multiples appels au secours et les engagements renouvelés de la communauté internationale pour l’Afrique, le seul continent où la pauvreté ne faiblit pas. Que d’initiatives, de stratégies, de plans et de programmes élaborés au cours de ces vingt dernières années : Programme d’ajustement, soutien à la bonne gouvernance, programme de lutte contre la pauvreté, soutien à la libéralisation et à la privatisation, accord de Lomé, Accès aux marchés ... ! On s’y perd un peu ! Cela a coûté à la Communauté internationale des milliards de dollars, dit-on ! Mais pour les producteurs agricoles, qu’est-ce que cela a représenté, et pour quel impact ? Force est de reconnaître que les bases d’un changement qualitatif dans les systèmes de production sont loin d’être assurées. Pour une Afrique de l’Ouest encline à des sécheresses répétitives seules 1,2% des terres cultivées sont irriguées contre 19,6% dans le reste du monde. Malgré la pauvreté de nos sols, nous ne disposons que de 0,01 Kg pour chaque hectare mis en valeur alors que le reste du monde utilise 100 kg/ha. Pour investir dans nos exploitations, à peine pouvons nous avoir des banques 20 dollars pour 1ha. Le contrôle des maladies et des insectes est simplement hors de portée ; l’invasion acridienne récente en est une preuve patente. Heureusement nous avons nos variétés rustiques et les savoirs ancestraux qu’en aucun cas nous ne voulons hypothéquer contre des variétés génétiquement modifiées ou quelques innovations peu éprouvées et aux conséquences désastreuses pour nous mêmes et pour notre environnement encore sain ! Le Paradoxe : Une Afrique agricole qui dépend de l’extérieur pour se nourrir Malgré les conditions climatiques difficiles, les catastrophes naturelles, les conflits multiples, l’absence de mesures de protection et de soutien et bien d’autres entraves avérées, nous avons accru de 20 à 80% nos productions agricoles entre 1990 et 2002, plus que l’Amérique du Nord (0 à 20%) ou l’Europe de l’Est qui a connu une baisse estimée jusqu’à 50%. De plus, et cela est connu, nos produits sont la source principale des revenus monétaires de nos pays. Nos capitales et grandes villes se sont construites avec la plus value de notre travail ! Mais nos cadres de vie n’ont pas fondamentalement changé ! Nous avons toujours un accès difficile aux services sociaux de base. Nos jeunes ne veulent plus rester dans nos villages et s’adonner aux métiers ruraux ! Tout simplement parce que les métiers de l’agriculture ne nourrissent plus leur homme et ne font pas vivre une famille et s’épanouir des enfants ! Pour disposer d’un revenu monétaire, nous avons dû substituer une partie de nos cultures vivrières par des cultures d’exportation destinées à approvisionner les usines dans vos pays du Nord. Cette situation a pour conséquence de rendre l’Afrique de l’ouest importatrice nette de produits alimentaires, elle qui était il y a à peine dix ans, exportatrice nette. A titre d’illustration, soulignons que de 93 à 2002, la sous-région a augmenté ses importations de céréales de 60% (18,2% pour le reste du monde) alors que sa production ne s’est accrue que de 16,3% (6% pour la moyenne mondiale). Cette importation massive, qui est largement favorisée par les aides alimentaires et les distorsions observées sur le marché international, résulte de mauvais choix de politique agricole et de l’application d’un libéralisme dogmatique prôné par les Institutions Financières internationales avec la bénédiction des pays donateurs dont ceux du G8. L’arrivée massive et incontrôlée de produits alimentaires d’importation a eu des effets pervers sur la production locale, sur la profession et les revenus des producteurs. Elles sont nombreuses les exploitations familiales agricoles des zones côtières qui ont dû abandonné l’élevage de volaille ou la riziculture faute de pouvoir vendre sur leur propre marché local à cause des produits alimentaires importées dont certains jouissent de subventions directes ou déguisées. Le marché mondial ne peut éradiquer la faim et la pauvreté La situation pourrait s’empirer si nos Etats sont contraints à laisser béants nos frontières et nos marchés agricoles et agroalimentaires comme le stipulent les accords de l’OMC et comme nous l’incite l’Union Européenne (avec les Accords de Partenariat Economique). La réalité connue de tous, est que dans le système actuel de libéralisation et de globalisation, les agriculteurs ne gagnent rien au change. Qu’ils soient d’Afrique, d’Europe, d’Asie ou d’Amérique, les exploitations familiales agricoles voient leurs revenus se réduire de jour en jour malgré l’augmentation de la production. Nombre d’entre nous ont été contraints à l’abandon et les jeunes se détournent du métier. Nous producteurs agricoles des pays pauvres endettés ou très endettés, autrement dit les « gens de en bas de en bas » ne sommes pas convaincus que par le seul marché mondial, notre pauvreté va se réduire et la faim s’éradiquer. Nous n’avons jamais cessé d’être dans le marché mondial en tant que producteurs de matières premières d’exportation, sources principales de devises pour l’immense majorité de nos pays. Cela n’a pas fondamentalement changé notre situation de pauvreté. Nous savons, nous au niveau de nos villages, que le marché est certes bon pour les échanges, mais à un certain niveau c’est surtout bon pour les intermédiaires et les riches commerçants ! Le marché international est peut-être profitable aux agriculteurs, mais pour l’instant il ne profite qu’aux multinationales ! C’est pour cela que nous pensons que ceux qui gouvernent ce monde, ceux qui sont « en haut de en haut » doivent prendre des mesures courageuses pour exclure l’Agriculture des négociations de l’OMC et des APE et pour que des instruments plus appropriés de régulation et de gestion de l’offre des produits agricoles soient bien pensés. Penser d’autres politiques Nous producteurs agricoles africains, nous représentons l’immense majorité de ceux qui sont pauvres et ceux qui ont faim ! Mais Nous ne voulons pas vivre de charité et de condescendance humanitaire ! Nous ne voulons pas bâtir nos sociétés rurales sur l’aide alimentaire, aussi généreuse soit-elle ! Nous voulons d’abord et avant tout vivre de notre travail ! Nous voulons que l’on considéra l’agriculture et les agriculteurs pour leurs fonctions et missions multiples : nutritionnelles, sociales, environnementales et culturelles. Une exploitation agricole n’est pas une usine ! C’est une Unité de Production, certes ! Mais c’est un cadre de vie, une façon d’être et de reproduire la société ! Les produits agricoles ne sont pas des biens manufacturés dont les échanges sont à réguler uniquement par des lois du marché, sommes toutes imparfaites. Le temps est venu pour que les choses changent ! Le temps est venu pour d’autres politiques et d’autres investissements pour l’Agriculture. La pauvreté ne disparaîtra pas de nos villages tant que ne sera reconnue à l’agriculture la mission fondamentale d’affranchir nos pays de la dépendance alimentaire, c’est-à-dire de favoriser leur accès à une souveraineté alimentaire, comme cela a été le cas en Europe ou en Amérique. La pauvreté et la faim seront toujours présentes tant que les producteurs agricoles n’auront pas la capacité de produire davantage et d’avoir des revenus stables et suffisants pour toute la famille. La pauvreté et la faim ne disparaîtront pas de nos pays, si nous-mêmes, nos produits et notre métier ne jouissent pas des mesures appropriées de soutien et de protection de la part de nos gouvernements. Initiative Blair : peut et doit mieux faire Depuis 2001, les sommets du G8 sont des moments importants pour de nouveaux engagements des pays les plus riches pour eux-mêmes, pour le monde et pour l’Afrique. Toutes les initiatives sont à accueillir avec optimisme, celle de Blair notamment ! Mais, la pauvreté et la faim sont des maladies qui ne peuvent s’attaquer qu’à la racine, c’est-à-dire à ses causes politiques. Il ne s’agit pas de proposer des solutions techniques et d’injecter une masse considérable de dollars pour voir les choses changer en Afrique. Pour que Blair soit cohérent dans son initiative, il ne peut occulter l’analyse des conséquences de la libéralisation et de la privatisation des secteurs économiques et des services en Afrique et ses relations avec la pauvreté du monde rural. Il ne peut également que souscrire à la reconnaissance du droit des pays à la souveraineté alimentaire et du droit de chacun de manger à sa faim, et ce par des actes politiques concrets et par des investissements structurants pour l’exploitation familiale agricole. Tant que l’aide sera conditionnée par l’adhésion à des schémas de développement dictés par un libéralisme dogmatique, les économies ouest africaines continueront à se dégrader avec pour conséquence la misère et de multiples foyers de tension comme cela a été enregistré ces dernières années. Blair doit soutenir le droit de chaque pays, en particulier ceux d’Afrique, de protéger son agriculture et son économie y compris par des tarifs douaniers. Il faut sans aucun doute, enlever la chape de plomb qu’il y a sur les gouvernements ouest africains qui leur dénient tout droit d’avoir d’autre politique que celle galvaudée des « Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) » à l’élaboration desquels les pauvres et les groupes vulnérables ont peu participé. Blair devra également obtenir de ses pairs l’arrêt immédiat des négociations pour les accords de partenariat économique entre l’Europe et la CEDEAO. Il n’est, en effet, pas réaliste d’envisager la création d’une zone de libre en échange et la mise en compétition entre l’Europe et les pays de la CEDEAO qui sont parmi les pauvres du monde. Cela est en inadéquation totale avec les vœux d’amener l’Afrique à sortir de la pauvreté. |
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