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Discrimination et revendication de déchéance de nationalité à Mayotte

21 février 2006
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La collectivité départementale de Mayotte été le théâtre d’une curieuse interprétation du droit, à moins qu’il ne s’agisse d’une anticipation tropicale de la politique préconisée en matière d’immigration en France.

Monsieur Daniel Bacar, a été recruté en novembre 2005 comme adjoint au Directeur des ressources humaines de la caisse locale de sécurité sociale, dans les conditions normales, c’est à dire après un concours officiel où il y avait plusieurs candidats. M. Bacar a la nationalité française, comme c’est la règle pour un tel poste, il est né à Mayotte, y a fait sa scolarité et a bénéficié d’une bourse du Conseil général pour poursuivre ses études en métropole.

Cette nomination a provoqué une vive réaction de certains mahorais, au motif que M. Bacar est le frère du Président de l’île comorienne voisine d’Anjouan Mohamed Bacar. Une situation qui n’a rien d’exceptionnel, de très nombreuses familles ayant des membres dans les deux îles depuis toujours, et qui renvoie aux conditions de l’indépendance des Comores, colonies françaises jusqu’en 1975. En décembre 1974, lors d’un referendum sur l’indépendance de l’archipel, 96% des électeurs des îles de Grande Comore, Mohéli et Anjouan s’étaient déclarés favorables à l’indépendance, tandis qu’à Mayotte, 64% des électeurs avaient voté pour leur maintien en France. Et, contrairement à la résolution 3291 de l’assemblée générale de l’ONU du 13 décembre 1974, la puissance coloniale française avait décidé d’entériner la sécession de l’Ile de Mayotte, acceptant au passage d’accepter au sein de la République un statut personnel communautariste autorisant par exemple la polygamie et les règles de la charia en matière de droit civil.

Mayotte a bénéficié d’un soutien considérable tandis que les autres Comores étaient handicapées par une succession de coup d’Etat dans lesquels s’illustraient les barbouzes et autre mercenaires liées à la France (et à l’Afrique du Sud) dont le tristement fameux Bob Denard qui passe en procès ces jours ci pour son dernier exploit en la matière. Le destin contradictoire des îles a provoqué le développement inégal, pour des populations sœurs et largement imbriquées, ce qui explique l’ampleur de l’immigration anjouanaise à Mayotte.

Une partie des élites mahoraises, bénéficiaire de la rente française (et assez souvent du travail des immigrés anjouanais, légaux ou clandestins qui occupent une bonne partie des emplois productifs), mène depuis quelques temps une croisade xénophobe contre les étrangers en général et les cousins anjouanais en particulier. Les Bouenis, les femmes chef de famille de ce matriarcat qu’est pour une large part la société traditionnelle, se sont portées aux avant poste de ce combat, en constituant un « Collectif des femmes leaders de la vie publique à Mayotte », n’hésitant pas à attaquer les bureaux de la Caisse de Sécurité Sociale le 13 février dernier. En faisant du licenciement de Daniel Bacar un cas emblématique, elles ont revendiqué une logique de « purification ethnique » à l’encontre des français de Mayotte réputés d’origine anjouanaise, une catégorie très extensible, d’autant plus que l’Etat civil est resté très flou dans l’Ile jusqu’à une date très récente.

Il ne s’agit que rien de moins qu’une remise en cause du droit du sol, et même, si l’on va jusqu’au bout dans le cas d’un citoyen incontestablement français et né sur le territoire français, d’une logique de « déchéance de la nationalité ». Une logique qui n’est pas seulement celle des Bouenis. Elle a pu se développer grâce à la passivité du Préfet, pourtant garant de l’ordre légal dans une collectivité départementale de la République et de l’acquiescement des élus (localement essentiellement de droite) et des syndicats CISMA (CFDT) et CGT Mayotte (seule l’Union territoriale FO sauvant l’honneur), constitutifs d’un « comité de coordination » cherchant à faire tomber l’infortuné Daniel Bacar. Ils ont trouvé un allié actif en la personne du sénateur de Guyane Georges Othily et une oreille attentive du coté du ministre de l’Outre-Mer François Baroin qui avait d’ailleurs déclaré, en novembre dernier, au Figaro Magazine qu’il « faudrait envisager » de remettre en question le droit du sol « pour certaines collectivités d’outre-mer ».

Aux dernières nouvelles le Préfet et le député de Mayotte Mansour Kamardine, suggéreraient « d’éloigner » quelques temps Daniel Bacar, manière de continuer flatter le racisme anti-anjouanais tout en évitant que cette histoire un peu grosse n’émeuvent trop la métropole et que la justice soit saisie d’un cas trop évident de discrimination !





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