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Site(s) web :

Radio Kayira :
Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD Mali) :
Grévistes de la Mine d’or de Morila :
Collectif Citoyen pour la Restitution et le Développement Intégré du Rail :
Forum pour l’autre Mali :
Forum des peuples :
http://www.forumdespeuples.org/
Forum social de Bamako - janvier 2006 :
Sommet Alternatif Citoyen Afrique-France :


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Nicolas Sarkozy en Afrique : la défiance, l’insulte et le mépris

18 mai 2006
- http://www.autremali.org/


Nicolas Sarkozy, le ministre français de l’Intérieur, a choisi le jour de l’adoption de sa loi sur l’immigration pour visiter notre pays, le Mali. Il envoie ainsi un signal fort à la frange de l’électorat français à qui les politiciens en manque de vision et de projet d’avenir ont l’habitude de vendre, la peur et la haine des étrangers et, plus particulièrement, les Noirs et les Arabes.

Les banlieues n’ont explosé que du fait de cette stigmatisation et de cette instrumentalisation de la peur et de la haine.

Nicolas Sarkozy, a juré de débarrasser la France de la « racaille » et des « sans-papiers », en les rendant à leurs pays d’origine, dont le Mali. Aussi, sa visite dans ce pays, le jour de l’adoption de sa loi sur « l’immigration choisie » est-elle un acte de défiance et d’arrogance.

Mais, le talent et la compétence qui présideront désormais au tri des étrangers que la France acceptera et accueillera sur son sol, viennent bien après la fierté, la dignité et un profond attachement des peuples humiliés à la justice. L’histoire de l’humanité est riche de péripéties qui démontrent que les nations conquérantes et dominatrices ont essuyé bien des revers pour avoir renié et foulé au pied ces valeurs essentielles.

Aussi, les Maliens de l’intérieur et de l’extérieur ne décolèrent-ils pas depuis l’annonce de la visite du Président de l’UMP dans notre pays. Il en est ainsi parce que le Mali est devenu ce pays dont les ressortissants symbolisent l’étranger subsaharien, indésirable et inutile que la France peut se permettre d’expulser. Ils sont dans le collimateur de « l’immigration choisie ».

Surpris par l’ampleur de la colère et de l’indignation des Maliens, l’Ambassadeur de France au Mali a cru devoir rectifier notre appréciation de la situation : « Mr Sarkozy, Ministre d’Etat, N°2 du gouvernement français, a souhaité faire une deuxième visite au Mali, après celle de février 2003, où il avait notamment apprécié l’hospitalité des habitants de la région de Kayes »

Le peuple malien a, en effet, pris son mal en patience lors de sa précédente visite dans notre pays où il était venu expliquer sa loi de 2003 sur l’immigration. Celle-ci se serait traduite par la diminution des demandes d’asile accordées (11.292 en 2004) et l’augmentation des reconduites à la frontière, par an, dont le nombre est passé de 10.000 à 26.000, en 2006.

La présente visite qui a lieu au moment de l’adoption de sa loi par l’Assemblée Nationale confirme que le Mali sert de cobaye dans la mise en œuvre des politiques d’immigration de la France : du charter de la honte de Charles Pasqua à la loi sur l’immigration choisie. Celle-ci vise plus précisément à :
- réduire les flux migratoires en durcissant les conditions de séjour des étrangers,
- augmenter le délai et les moyens requis pour pouvoir bénéficier du regroupement familial,
- prolonger la durée de la période pour l’obtention de la carte de résidence,
- mettre fin à la régularisation automatique des immigrés clandestins au bout de dix ans,
- ouvrir les frontières aux candidats à l’immigration dont la France a besoin dans des secteurs économiques précis.

Le ministre français de l’Intérieur veut faire comprendre à nos autorités que nos deux pays sont gagnants dans l’opération puisque les Maliens installés en France seront mieux intégrés et ceux qui s’y rendront, désormais, bien accueillis.

Au Président du Sénégal, Abdoulaye Wade qui réagit en rappelant qu’il ne voit pas pourquoi il devrait former des cerveaux qui iront développer la France, Nicolas Sarkozy demande de ne pas interférer dans les choix de son pays en matière d’immigration.

Amnésie, arrogance et arbitraire sont, visiblement, les réalités sous-jacentes à la loi sarkozy. Elle veut aggraver des bouleversements terribles qui sont déjà en cours dont l’externalisation des frontières, la légitimation de la violence à l’égard de ceux qui sont contraints à la clandestinité.

La violence de la répression des événements de Ceuta et Melilla et l’impressionnant dispositif de contrôle de la frontière Sud de l’Europe sont parmi les expressions tragiques de cette évolution. Barrer la route aux candidats de l’Afrique noire à l’immigration clandestine, est l’un des objectifs déclarés de la coopération entre pays du pourtour de la Méditerranée. En confiant la surveillance des frontières de l’Europe forteresse aux pays maghrébins dont les ressortissants, en Europe et les candidats à l’immigration, ne sont pas mieux lotis que ceux de l’Afrique subsaharienne, Nicolas Sarkozy et ses homologues divisent pour mieux régner. Non seulement, ceux d’entre nous qui parviennent à entrer et à s’installer dans leurs pays sont difficilement intégrés, nos propres efforts de construction d’une région africaine prospère et solidaire sont en train d’être gravement compromis au nom de la lutte contre l’immigration clandestine, mise sur le même pied d’égalité que le crime organisé et le terrorisme.

L’homme qui a imposé sa visite aux Maliens est donc doublement dangereux en tant que ministre de l’Intérieur français et candidat aux élections présidentielles de 2007, en France, et en tant qu’acteur influant au niveau européen.

L’Afrique et les dérives de la démocratie françaises

L’Ambassadeur de France au Mali n’oublie pas de rappeler que l’hôte de marque qui arrive, vient également « en tant que Président d’un important parti politique français qui devra, par ailleurs, désigner prochainement son candidat à la Présidence de la République française ». C’est à croire que l’Afrique est d’une autre planète et qu’elle ne voit pas qu’au sommet de l’Etat français dont il est la troisième personnalité, la violence et la haine sont devenues la règle du jeu.

Nous avons, en fait, espéré que l’affaire Clearstream qui met à nu la gravité de la crise politique française allait inspirer au ministre français de l’Intérieur davantage d’humilité et de retenue.

La violence qui gangrène la politique française à l’intérieur s’exporte. Elle caractérise également sa politique africaine et y revêt une dimension économique, militaire (quand la France le juge nécessaire) et symbolique.

L’Art d’inverser les roles

L’inversion des rôles est en fait, l’une des graves lacunes dont souffre la loi Sarkozy :
- l’Afrique a subi et continue de subir l’ingérence de la France dans tous les domaines (économique, politique, culture...). Reconnaître cette réalité indéniable honorerait la droite et l’extrême droite ;
- l’immigration, avant d’être la cause de tel ou tel phénomène en France, est d’abord l’une des conséquences majeures et dramatiques du pillage qui découle de cette mainmise de la France et d’autres puissances occidentales sur les richesses du continent. Elle est, de ce fait, un cinglant démenti de l’utilité de l’Aide Publique au Développement (APD), qui n’est, tout compte fait qu’un moyen de chantage.

Légale ou illégale, l’immigration africaine défie la capacité de la France et de l’Europe à être cohérentes, conséquentes et justes. « L’immigration choisie » n’est donc ni logique et ni concevable que dans le cadre de relations bilatérales et internationales ou les gagnants revendiquent, sans arrêt, l’initiative des décisions et la liberté de trahir leurs promesses.

Le Mali est un pays prioritaire

Le tort des dirigeants maliens et africains est, non seulement de se laisser dicter des politiques économiques qui sont source de chômage et d’inégalités, mais d’accepter de gérer le coût social de décisions et de choix qui n’émanent pas d’eux.

Le Mali « pays exemplaire » devrait l’être d’abord du fait de la qualité des conditions de vie des Maliens à l’intérieur de leur pays ainsi que du respect dont ils jouissent. Le fait de souligner que Nicolas Sarkozy « a choisi le Mali, pays exemplaire, pour s’exprimer sur la politique africaine de la France » est le genre de fleur dont nous devons nous méfier.

Comme les institutions internationales de financement et d’autres puissances occidentales, ce dernier voudrait jouer lui aussi sur cette fausse fibre nationaliste, en se mettant à la recherche de « bons élèves » africains. D’une main, ceux-ci devront continuer à appliquer les politiques néolibérales liberticides, source d’une pauvreté qui impose l’exil à des pans entiers de notre société dont les jeunes et, de l’autre, à empêcher ces derniers à émigrer.

L’amour de la France

Non content de nous mettre en mal avec nous-mêmes, Nicolas Sarkozy et d’autres bâtisseurs de murs entre la France et l’Afrique s’emploient à prouver que critiquer et résister, quand il s’agit des Etrangers, riment avec désamour ou haine de la France.

Nous en venons à nous demander s’il n’est pas en train de nous dire, ainsi qu’à l’électorat français qu’il courtise, « Je suis le modèle parfait de l’intégration, celui qui par son dévouement, son talent et sa compétence sert le mieux les intérêts de ce pays et est prêt à le défendre contre les « illégaux », les « clandestins » et les « criminels d’Afrique et d’ailleurs ».

Sa loi ne serait, dans ce cas, qu’une preuve d’amour supplémentaire pour ce pays vers lequel il a décidé d’attirer le maximum de cerveaux. Une nouvelle forme de pillage ? Nenni.

Comme pour les matières premières, les pays d’origine doivent admettre que les nations riches et civilisées peuvent faire un meilleur usage de leurs cerveaux. Et, il n’est pas question de laisser le Canada et les USA prendre davantage de distance sur la France, dans cette nouvelle forme d’exploitation du Sud.

Le co-développement fera le reste

Inscrit dans l’Aide Publique au Développement, le co-développement consiste à octroyer aux Maliens établis en France et/ou de retour dans leur pays des moyens d’actions. Nous sommes en réalité en face d’un terrible paradoxe puisque ces derniers sont invités à prendre appui sur le modèle économique extraverti et dépendant dont l’échec les a obligés ou les pousse à s’exiler.

« Restez chez vous ou allez ailleurs » Le droit de la France, en tant qu’Etat souverain, de trier et de choisir ses immigrants est au cœur du discours sarkozien. Il s’agit de mal poser le problème pour lui apporter la solution que l’on a en tête : l’épuration, le verrouillage et la sélection.

Les hommes et les femmes qui sont traqués et chassés, dans cette perspective, loin d’être des criminels et des ennemis de la France, faut-il le rappeler, sont des hommes et des femmes de devoir et de dignité, qui n’endurent les pires difficultés que pour venir en aide à des familles et à un Etat qui n’ont jamais eu le droit de se prononcer sur les réformes que la France et d’autres puissances occidentales leur imposent. En réalité, leur tort, dans le cadre de la société sélective, uniforme, lisse et économiquement performante des ultralibéraux et des radicaux, est d’être différents dans leur apparence, leur langage, leurs croyances, leurs pratiques.

La mafia des passeurs

Les entraves politiques et administratives à la libre circulation des hommes ont créé, en amont, dans les pays d’origine, de transit et d’accueil des opportunités économiques dont certains milieux d’affaires et de nombreux laissés-pour-compte s’emparent. Ils participent incontestablement au crime, mais n’en sont pas les premiers et les véritables responsables. Aptes à transformer les conséquences en causes, les dirigeants Occidentaux occultent leurs responsabilités dans la destruction de l’emploi, de l’agriculture et du commerce en Afrique, en montrant du doigt, la pauvreté de l’Afrique, la corruption de ses dirigeants ainsi que celle de ce réseau. Celui-ci se démantèlera de lui-même ou perdra considérablement de son importance le jour où, soucieux de leur droit de durcir les règles de l’immigration, les Occidentaux cesseront d’envahir nos pays et de déposséder des hommes et des femmes qui, s’ils n’ont pas de talent ni de compétence, ont au moins le droit de jouir des richesses de leurs sol et sous-sols.

L’immigration choisie relue par Nicolas Sarkozy

Parce qu’il ne mesure pas la gravité des conséquences de sa loi, celle-ci doit être relue et réinterprétée pour Nicolas Sarkozy, afin qu’il cesse de se tromper de défi, de stratégie et de cible :
- « L ‘ennemi subsaharien » est totalement imaginaire. Le fils de l’immigré hongrois n’a pas plus de raison d’aimer la France que celui de l’immigré malien, marocain, algérien ou sénégalais.
- La reconnaissance et le respect des droits économiques, politiques, sociaux et culturels des Africains dans leurs pays d’origine que la France, dans sa course à la croissance et à la compétitivité, continuent de dominer et de piller constituent la seule réponse à une immigration qui vide l’Afrique non seulement de ses cerveaux mais également des bras valides dont elle a besoin. Si elle est un casse-tête pour la France, l’immigration légale ou illégale est également une énorme perte pour le Mali qui demande justice.
- Un bilan honnête et rigoureux des politiques de coopération qui se sont transformés, ces dernières décennies, en ouverture forcée à une concurrence dont nous n’avons pas les moyens s’impose.
- Le défi de la croissance et de la compétitivité entre grandes puissances qui obsèdent les ultralibéraux en France et dans d’autres pays européens, n’est pas l’enjeu dont l’Afrique devrait se soucier au point d’avaliser la théorie de l’immigration choisie.
- L’Afrique et le Maghreb sont d’abord piégés par une prétendue coopération au développement qui enrichit les riches et les appauvrit dans le cadre de l’Accord de Cotonou pour l’Afrique Subsaharienne et du processus de Barcelone pour l’Afrique du Nord.

L’endettement du continent et les faux allègements de dette, le commerce déloyal et l’Aide Publique au Développement sont donc autant de réalités à examiner, avec rigueur et honnêteté, au lieu d’engloutir l’argent des contribuables français et européens dans la chasse à l’homme, aux portes de l’Europe et en son sein.

Nous attendons, en somme, de Nicolas Sarkozy qu’il attache davantage d’importance à la lame de fond qui déracine des pans entiers de nos sociétés, au lieu de s’acharner contre des innocents.

Il nous appartient à nous-mêmes, Africains, ressortissants d’Afrique et descendants d’Africains, de mieux intégrer dans le débat sur l’esclavage et la colonisation le fait que la même logique prédatrice qui est à l’origine de ces stratégies se poursuit et donne lieu aux mêmes ponctions, à la même déshumanisation. La chasse à l’homme, les cachots, les menottes et le racisme anti-noir ont refait surface précisément parce que l’Occident n’a pas fini de se servir, en AFrique.

L’immigration choisie qui s’inscrit dans ce contexte est, par conséquent, l’une des expressions du véritable déclin de la France auquel son auteur prétend remédier.

Au regard de la régression politique et la déchéance morale, bénie soit donc la France des hommes et des femmes de bonne volonté, du refus de l’arbitraire et de l’injustice que nous voyons à l’œuvre pour la défense des droits des hommes et des femmes en détresse. Nous aimons et honorons cette France, qui se souvient et qui sait que le monde est ce qu’il est, fait de talents, de compétences, et qu’il exige surtout de tous, de la dignité et un sens profond de la responsabilité des uns envers les autres.

BAMAKO, le 18 mai 2006.




Signataires :
- Association Maaya
- Association RETOUR-TRAVAIL-DIGNITE
- Association NKO
- Association YEELEN
- Association NYELENI
- Routes du SUD
- Groupe EUREKA
- Réseau des Artistes et Intellectuels pour l’Ethique et l’Esthétique
- Réseau Oudaghost/Guamina
- Bougouda-Kanu
- AIDEMET
- KILABO
- FAMAPE
- Conseil National des Jeunes



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