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Agriculture - Accès à la terre - Souveraineté alimentaire
Déclaration d’Accra |
La sécurité alimentaire en Afrique 12 octobre 2001 Consultation Régionale Préparatoire des ONG/OSC de l’Afrique au Sommet Mondial de l’Alimentation : cinq ans après Accra (Ghana) du 8 au 12 octobre 2001 Nous, Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles et Organisations Non-Gouvernementales des Sociétés Civiles de l’Afrique réunies à Accra (Ghana) du 8 au 12 Octobre 2001, pour un bilan de l’application des engagements pris par les Chefs d’Etats lors du Sommet Mondial de l’Alimentation de 1996 à Rome, que nous avions jugé à l’époque très optimistes, constatons que : 1- des progrès ont été notés dans certains Etats en ce qui concerne la lutte contre la faim, notamment à travers des programmes spéciaux de sécurité alimentaire, la définition d’orientations et d’axes stratégiques privilégiant les zones à risques et les couches vulnérables à travers des stratégies de réduction de la pauvreté 2- des efforts pour la décentralisation sont fournis par les Etats à travers des collectivités locales pour promouvoir le développement local et rapprocher les centres de décision des populations à la base 3- un dialogue entre la plupart des Etats africains et les organisations de la société civile est amorcé autour des questions de lutte contre la pauvreté , en particulier la lutte contre la faim, la malnutrition et la dégradation des conditions de vie des populations 4- des initiatives sont prises dans certains pays pour impliquer les organisations paysannes dans la définition et la mise en oeuvre des programmes de la recherche et de la vulgarisation agricoles dans certains pays 5- une amorce de co-gestion avec les populations des ressources naturelles en l’occurrence les domaines forestiers de l’Etat 6- des progrès sont faits en matière d’hydraulique rurale, de prise de conscience des populations des dangers sociaux et économiques de la pandémie du SIDA grâce à l’information et à la sensibilisation par les organisations de la société civile, 7- des efforts sont faits pour développer dans certaines régions du continent des espaces de coopération politique, juridique et économique ainsi que pour une gestion des conflits sous-régionaux et régionaux. Nous, organisations de la société civile, reconnaissons qu’en dépit des ces efforts, les défis sont encore grands et nombreux pour garantir le droit alimentaire à tous. En effet, nous constatons que les politiques de libéralisation dans nos pays et leur insertion mal préparée de plus en plus grande dans la mondialisation n’ont pas abouti aux promesses : les conditions de vie des populations africaines se sont encore détériorées, l’extrême pauvreté, la sous-alimentation, l’érosion des sols, voire la désertification des terroirs, atteignent des niveaux alarmants. Ce triste contexte est en très grande partie le résultat logique des règles du jeu de la mondialisation à travers les accords de l’OMC, les politiques de protection et de subvention des agricultures des pays du Nord qui rendent vulnérables nos productions nationales et nos marchés nationaux. Il est également dû aux conflits et guerre sur le continent. En sus, la mauvaise gouvernance qui se traduit par le gaspillage des ressources publiques, l’inflation, l’accaparement du pouvoir politique et économique par une minorité, marginalisant la grande majorité des populations ont rendu la situation alimentaire, économique et sociale en Afrique plus dramatique. Les conséquences de cette situation sont nombreuses et variées : au plan social : la pandémie du Sida avance rapidement et fait de l’Afrique la région du monde la plus touchée. l’analphabétisme qui touche une très grande majorité de la population africaine et particulièrement la population féminine rurale, le manque d’emplois pour les jeunes scolarisés, le manque d’attrait des campagnes qui poussent les jeunes à l’exode, les licenciements massifs dans les secteurs publics et privés ont aggravé l’exclusion de couches sociales essentielles incapables de produire et de s’alimenter correctement, au plan économique : la baisse continue des revenus des producteurs et du pouvoir d’achat des consommateurs du fait de la sous-rémunération des produits agricoles, animaux et forestiers nationaux et du renchérissement des coûts des facteurs de production l’inflation non maîtrisée qui érode le faible pouvoir d’achat des populations et empêche leur accès aux services sociaux et économiques de base (santé, crédit pour l’investissement, la communication, l’eau, etc...) la dépendance trop grande vis-à-vis des financements extérieurs conjuguée à l’incapacité de nos Etats à mobiliser les ressources intérieures placent l’Afrique dans une situation marginale au plan politique : nombre de régimes politiques en Afrique sont encore peu démocratisés, ce qui ne facilite pas la libre expression ainsi que la mobilisation de tous les acteurs pour contribuer au développement le démantèlement des services d’appui à la production, à la transformation et à la commercialisation, ce qui réduit fortement les capacités de valorisation des potentiels existants Malgré ce sombre tableau, l’Afrique dispose encore de potentiels humains, agricoles, halieutiques, forestiers et animaux importants dont la valorisation serait susceptible de garantir la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire une liberté de choix des Etats et des populations de ce que l’on produit et de ce que l’on mange. La souveraineté alimentaire traduit l’identité et la fierté légitime de chaque pays et elle est une composante essentielle de la souveraineté nationale qui doit mobiliser tous les acteurs publics et privés pour sa réalisation et sa défense. L’agriculture paysanne familiale qui est le modèle de production dominant en Afrique assure l’essentiel de la production alimentaire de base des populations doit être soutenue fortement, tant par les Gouvernements que par les partenaires au développement. Dans ce sens, les soutiens à l’agriculture paysanne familiale devront se focaliser, entre autres, autour de : la protection de ses productions vis-à-vis des importations de substituts alimentaires largement subventionnés la juste rémunération de ses productions qui passe, entre autres, par la promotion « du consommer local », la transformation et la distribution grâce à des infrastructures de transport adéquates l’augmentation de la productivité de l’agriculture paysanne familiale par un accès plus facile aux facteurs de production à travers des allègements fiscaux, la fourniture de services d’appuis le développement institutionnel des organisations paysannes et de producteurs agricoles à travers le renforcement de leurs capacités, leur implication dans la définition et la mise en œuvre des politiques, programmes et projets de développement rural, l’amélioration du cadre de vie des populations rurales rendant attrayant les campagnes africaines et incitant les jeunes à y rester et à prendre la relève de leurs parents la sécurisation du foncier, au niveau de chaque pays, en prenant en compte les traditions, les bonnes pratiques sociales en vue de faciliter, dans la paix, l’accès équitable à la terre pour toutes les catégories sociales la responsabilisation des collectivités locales et des organisations de la société civile rurale dans la préservation et la bonne gestion durable des ressources naturelles En raison de tout ce qui précède, nous estimons humiliantes et intolérables que la pauvreté et l’insécurité alimentaire restent encore des phénomènes majeurs de la souffrance humaine qui affectent la très grande majorité de la population de notre continent. C’est pourquoi, nous réaffirmons la nécessité que le prochain Sommet Mondial sur l’Alimentation adopte des mesures plus courageuses, plus solidaires et plus pratiques pour enrayer la pauvreté et l’exclusion alimentaire. Nous, organisations de la Société Civile africaine, convenons de nous associer à toutes les initiatives qui viseront les intérêts des populations africaines, particulièrement ceux relatifs au droit à la nourriture et à la souveraineté alimentaire. Dans cette perspective, nous recommandons au prochain Sommet Mondial de l’Alimentation : En ce qui concerne le droit à la nourriture et à la santé : a) Les Etats devront consacrer une partie de leurs budgets à travers des mécanismes gérés par les collectivités locales afin de garantir aux couches les plus vulnérables (enfants, personnes âgées et personnes handicapées) l’accès aux aliments de base qui constituent la nourriture de chaque pays b) Les Etats devront soutenir les Organisations de la Société Civile pour qu’elles puissent mettre en place et faire fonctionner un observatoire de veille sur l’état de jouissance du droit à la nourriture des couches les plus vulnérables dans chaque pays. c) Les Etats, les partenaires au développement et les organisations des sociétés civiles devront promouvoir et faire fonctionner des systèmes de vérification des programmes de développement pour s’assurer que ceux-ci ne comportent aucune action négative ou restrictive à la jouissance du droit à la nourriture d) Les Etats devront consacrer plus de ressources pour la prévention et la lutte contre le Sida, en soutenant particulièrement les actions positives d’information, de sensibilisation et de prise en charge des malades et des orphelins développées par les ONG et les Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles de l’Afrique En ce qui concerne la souveraineté alimentaire et les modèles de production : a) La définition des politiques de développement agricole et rural (activités agricoles et non-agricoles) centrées sur l’agriculture paysanne familiale afin qu’elle soit en mesure de fournir en quantité et en qualité suffisantes et durables les produits agricoles, animaux, halieutiques et forestiers nécessaires aux populations. Les prix de ces produits devront être rémunérateurs pour les producteurs et acceptables pour les consommateurs. b) Les Etats africains devront exiger la sortie du volet agricole du champ de compétences de l’OMC. De même, ils devront renégocier les accords sous-régionaux et internationaux contraires ou peu favorables aux objectifs de souveraineté alimentaire c) A l’avenir, les Gouvernements africains devront procéder à une large consultation préalable des acteurs de la société civile avant la signature des conventions et accords internationaux couvrant le champ de l’alimentation d) Les Etats devront prendre toutes les mesures efficaces pour promouvoir et protéger les productions agricoles nationales entrant dans la nourriture de base des populations contre la concurrence déloyale de produits substituables importés. Pour ce faire, les Etats devraient accroître les moyens alloués à la recherche agricole et au conseil agricole afin que ces institutions soient davantage centrées sur les besoins et préoccupations relatifs à la souveraineté alimentaire. e) Les Etats devront poursuivre et intensifier leurs efforts de coopération et d’intégration sous-régionales et régionales en vue de la construction d’un espace économique, social et politique viable facilitant la libre circulation des idées, des biens et des personnes En ce qui concerne la démocratie et la paix a) Les Etats, les partenaires au développement et les Organisations de la Société Civile devront se mobiliser en permanence pour prévenir et combattre toutes les situations conflictuelles et les guerres pouvant entraver la jouissance du droit à la nourriture. Dans les zones de guerre et de conflits, les Etats et les partenaires au développement devront renforcer leur collaboration avec les ONG afin que le droit à la nourriture ne souffre d’aucune entrave. b) Les Etats devront encourager la mise en place de cadres de concertation et de dialogue fonctionnels avec les organisations de la société civile sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme et au développement. Dans ce cadre, les Etats devront soutenir la mise en place et le fonctionnement de mécanismes de suivi des décisions issues des concertations. c) Les Etats devront soutenir le renforcement des capacités des organisations de la société civile, notamment par le partage de l’information, la mise à disposition de ressources en vue de faire de ces organisations des forces de proposition et d’action qui consolident la démocratie, la jouissance des droits et le progrès économique et social dans la paix. Nous organisations de la Société Civile Africaine, sommes convaincues que le partenariat transparent entre nous et les Gouvernements est un des facteurs indispensables à la réalisation de la sécurité alimentaire dans nos Etats. Il est également un facteur de cohésion nationale face à toute adversité externe. C’est pourquoi, il est impératif que nous puissions, en tant qu’africains, attachés à la valeur de la parole donnée, de mettre en place et de faire fonctionner un système de suivi participatif et efficace des engagements contractés par les Chefs d’Etats lors du prochain Sommet Mondial de l’Alimentation. Compte-tenu de leur haute responsabilité morale dans le bien-être des populations et au premier rang duquel se trouve le droit effectif à une bonne alimentation, les Chefs d’Etats devront prendre une part très active dans ce dispositif de suivi et apporter à chaque fois que de besoin les mesures susceptibles de faire avancer la réalisation des engagements pris au nom de leur peuple. Nous Organisations de la Société Civile Africaine, nous nous engageons à mieux coordonner nos actions et à consolider les réseaux existants ou à en créer si besoin est, en vue de renforcer nos interventions en matière de sécurité alimentaire. Nous, Organisations de la Société Civile Africaine, nous nous engageons à démocratiser plus largement le fonctionnement de nos organisations, à nous mobiliser pour soutenir toutes les initiatives qui découleront de l’application des recommandations ci-dessus indiquées dans la présente déclaration. Fait à Accra, le 12 Octobre 2001 |
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