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Agriculture - Accès à la terre - Souveraineté alimentaire
Des mesures urgentes doivent ê tre adoptées au Sommet mondial sur la sécurité alimentaire pour résoudre la crise |
4 juin 2008 - http://www.ituc-csi.org Alors que les chefs d’état du monde entier et plusieurs organisations internationales participent, à Rome, à la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale, convoquée par le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, pour répondre à l’aggravation de la crise alimentaire mondiale, la Confédération syndicale internationale (CSI) a réitéré son appel aux gouvernements et aux institutions mondiales pour qu’ils prennent des mesures de grande envergure en vue de garantir la sécurité alimentaire pour toutes et tous. Préalablement au sommet, Ban Ki-Moon a attiré l’attention sur plusieurs problèmes, comme les conséquences de l’augmentation de la production de biocarburants au détriment de l’approvisionnement alimentaire et le besoin de mettre en place des dispositifs de sécurité élargis. La semaine dernière, la Banque mondiale a annoncé un financement d’environ 1,2 milliard de dollars US qui comprend des subventions de 200 millions de dollars US pour trois des pays les plus pauvres du monde. L’intérêt pour les biocarburants et le soutien apporté aux pays les plus pauvres sont les bienvenus. Toutefois, il convient également de se pencher sur le rôle de la spéculation sur les prix des produits de base dans l’aggravation du problème, de même que sur le besoin d’effacer des années de désinvestissements dans le secteur agricole des pays en développement. Dans le même temps, les participants au sommet subiront des pressions en faveur de la libéralisation du commerce agricole et de la fin des mesures d’urgence adoptées par les autorités publiques de certains pays en développement pour mettre un terme aux exportations et à l’accumulation de stocks de produits agricoles. Des mesures commerciales qui porteraient atteinte aux capacités des pays en développement à produire leur propre alimentation ou qui augmenteraient la puissance économique déjà énorme de quelques grandes sociétés commerciales ne feraient qu’aggraver la situation plutôt que d’aider à parvenir à un juste équilibre entre le commerce international et la production pour le marché local. « C’est l’occasion de procéder à une refonte complète des politiques qui ont échoué et qui ont mené à cette crise. Il est indispensable que les gouvernements et les institutions mondiales cessent de bricoler aux confins d’un système qui ne remplit simplement pas ses fonctions vis-à-vis des citoyens du monde », a déclaré Guy Ryder, Secrétaire général de la CSI. « Les facteurs qui expliquent l’envolée des prix des produits alimentaires et agricoles peuvent être associés à ces mêmes politiques internationales qui ont mené à l’instabilité financière mondiale et à l’accélération du changement climatique. Il faut remédier à ces trois crises mondiales par des réformes en profondeur et par des réglementations efficaces qui permettent de parvenir au travail décent. Le système agricole mondial repose en grande partie sur des salaires de misère et des violations des droits fondamentaux des travailleurs. Il ne peut être envisagé de solution durable à cette crise sans mettre un terme à la situation médiocre des droits des travailleurs dans l’agriculture mondiale », a ajouté Guy Ryder. L’UITA, la Fédération syndicale internationale qui couvre les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation, a appelé à des changements majeurs, notamment en ce qui concerne le commerce, les biocarburants et l’influence croissante et critique des sociétés, dans le cadre d’une analyse plus vaste et d’une série de recommandations récemment publiées dans une déclaration de la Fédération, Alimenter la faim.
La CSI estime que le Sommet des Nations Unies doit amener les gouvernements des pays industrialisés à accorder des subventions et des prêts d’urgence aux pays en développement qui en ont besoin pour compenser les conséquences de prix alimentaires excessivement hauts. Ceux-ci devraient prévoir le financement de programmes gouvernementaux dont l’objectif est de fournir des denrées alimentaires de base à bas prix ainsi que de programmes à plus long terme pour accroître la production vivrière. Cela permettrait de compenser deux décennies de programmes d’ajustements structurels du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale ainsi que les impacts de l’accord sur l’agriculture de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui, en « ouvrant les marchés », a eu pour effet de consolider la domination de sociétés multinationales agroalimentaires et d’orienter l’agriculture des pays en développement vers des denrées d’exportation plutôt que d’établir leur production sur leur marché domestique. Les revendications de la CSI rejoignent la position de l’Action mondiale contre la pauvreté, qui compte des coalitions nationales dans plus de 100 pays et qui a appelé la population du monde entier à se mobiliser le 1er juin et à d’autres moments clés de l’année, pour se montrer solidaire envers ceux et celles qui sont victimes de cette crise alimentaire. Selon les Nations Unies, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 57 pour cent en un an - et bien au-delà pour les produits alimentaires de base - et on dénombre environ 100 millions de personnes de plus que l’année dernière qui sont confrontées à de graves problèmes de pénurie alimentaire. Le FMI et la Banque mondiale ont averti que des centaines de milliers de personnes pourraient mourir de faim et que les progrès accomplis en matière de réduction de la pauvreté en une décennie pourraient s’annuler. Des émeutes ont éclaté dans plus de 14 pays, dont Haïti, la Côte-d’Ivoire, le Cameroun et l’Égypte, et des dizaines de personnes ont péri. Dans la mesure où la hausse des prix alimentaires affectent plus fortement ceux qui se situent au bas de l’échelle des revenus, les inégalités au sein des pays s’accentueront davantage si des actions fermes ne sont pas prises pour protéger le pouvoir d’achat des travailleurs et des pauvres des pays en développement. La Banque mondiale et le FMI, entre autres, sont responsables de la crise actuelle puisque, au nom de la déréglementation et de la libéralisation, ces institutions ont encouragé les pays à démanteler les stocks régulateurs de céréales gérés par les autorités publiques qui auraient pu jouer un rôle essentiel en palliant les pénuries alimentaires actuelles. Auparavant, en matière d’agriculture, la Banque mondiale encourageait principalement les agriculteurs des pays en développement à se tourner vers des cultures d’exportation, ce qui a accru la pénurie en denrées alimentaires de base pour la consommation locale. La Banque mondiale s’est souvent opposée aux offices de commercialisation publics, aux recherches agronomiques et aux banques alimentaires tout en encourageant une absence systématique d’investissements dans les infrastructures nécessaires ainsi que la privatisation de l’eau et en supprimant les droits de douane qui généraient des recettes utilisées pour soutenir des programmes ; cette position a mené à une chute de revenus pour les producteurs agricoles. Plus récemment, la Banque mondiale a suivi l’exemple des États-Unis, de l’Union européenne et du Brésil en favorisant les cultures pour la production de biocarburants qui pourrait être responsable de 10 à 30 pour cent de la hausse des prix alimentaires dans le monde. Jacques Diouf, Directeur général de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a récemment déclaré que 100 millions de tonnes de céréales avaient été détournées pour la production de biocarburants et que cette quantité était amenée à être multipliée par douze d’ici 2017. Ban Ki-Moon, Secrétaire général des Nations Unies, a pour sa part appelé à un examen en profondeur des politiques relatives aux biocarburants puisque la crise des prix des denrées alimentaires est en partie imputable à l’utilisation en hausse de céréales pour la production d’énergie et que cela menace de déclencher une instabilité mondiale. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a suggéré que les intentions de l’Union européenne de parvenir à ce que 10 pour cent du carburant utilisé pour les transports soit issu des plantes d’ici 2020 n’auront que peu, voire pas du tout d’impact sur le changement climatique et a émis des doutes quant aux moyens techniques existants pour produire des biocarburants sans compromettre les capacités à nourrir une population chaque jour plus nombreuse. En effet, on en vient de plus en plus à douter de l’éventuelle participation des biocarburants à l’atténuation du changement climatique dans le monde et à penser qu’ils accentuent plutôt le problème. Le changement climatique constitue une autre facette importante de ce problème toujours plus grave. Les sécheresses sont l’une des principales raisons des pénuries alimentaires et selon le Groupe intergouvernemental des Nations Unies sur l’évolution du climat, le changement climatique engendrera des sécheresses et des désertifications accrues dans certaines régions et des fortes pluies et des inondations dans d’autres. Cette nouvelle donne climatique perturbera sérieusement les systèmes alimentaires et agricoles du monde entier et particulièrement en Afrique australe, en Asie du Sud et au Brésil. La poignée de sociétés multinationales qui contrôlent désormais la majeure partie du commerce des produits agricoles de la planète détiennent également une part de responsabilité dans cette crise. Elles ont en effet « internationaliser » la production, la consommation et les prix des denrées alimentaires, ce qui a affaibli les contrôles nationaux et locaux des systèmes qui sont supposés nourrir la population. Un petit nombre de sociétés commerciales et de premiers transformateurs disposent d’une influence économique énorme sur les marchés mondiaux. Ces derniers, conjointement aux multinationales agroalimentaires, dont bon nombre appartiennent à des sociétés du secteur de l’énergie et de la chimie, engrangent des bénéfices records alors que de plus en plus de personnes souffrent de la faim. Comme le précise l’UITA, « comprendre la véritable nature de l’inflation des prix des aliments suppose de confronter le pouvoir concentré des sociétés transnationales du secteur agroalimentaire et de brider la spéculation financière ». Selon la FAO, il faut concevoir des approches à long terme afin d’identifier et de résoudre les causes premières de l’insécurité alimentaire, y compris des contrôles et des structures de propriété des terres, des intrants agricoles, des systèmes de distribution ainsi que du commerce, des prix et de la spéculation des produits. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a également désigné la spéculation des prix alimentaires sur les marchés mondiaux comme d’importants facteurs de la crise et a appelé à l’instauration d’une agriculture durable comme solution partielle au problème, faisant ainsi écho à une demande de longue date de l’UITA. « Les travailleurs et les pauvres des milieux urbains des pays en développement sont plus directement touchés par la hausse des prix alimentaires et il ne peut y avoir de manifestation plus évidente des échecs du système actuel que l’incapacité du monde à nourrir ses citoyens. Nous exhortons les dirigeants du monde entier à prendre immédiatement des mesures décisives lors du Sommet des Nations Unies afin d’aider ces personnes et, dans le même temps, nous leur demandons de préparer une réforme à long terme véritablement cohérente en vue de faire face de façon efficace aux multiples crises auxquelles la communauté mondiale est confrontée à l’heure actuelle », a déclaré Guy Ryder. |
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