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Poursuite du harcèlement judiciaire et de la détention arbitraire de M. Pierre Claver Mbonimpa

16 juin 2014
-


L’Observatoire a été informé de la poursuite du harcèlement judiciaire et de la détention arbitraire de M. Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH) et lauréat du Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme 2007, manifestement pour avoir dénoncé l’existence de centres d’entraînement de jeunes Burundais à l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Burundi.

Nouvelles informations :

Selon les informations reçues, le 26 mai 2014, le Tribunal de grande instance a refusé la remise en liberté provisoire de M. Pierre Claver Mbonimpa, qui devra donc rester en détention préventive jusqu’à l’ouverture de son procès pour « atteinte à la sûreté de l’État », et « incitation à la désobéissance publique » et «  troubles de la paix publique alors qu’il enquêtait sur la militarisation des jeunes "Imbonerakure" » en RDC voisine (cf. rappel des faits). A ce jour, aucune date de comparution n’a été fixée. Le 23 mai 2014, M. Pierre Claver Mbonimpa avait comparu assisté de son avocat devant le Tribunal de grande instance de la Mairie Bujumbura, qui devait statuer sur la régularité de sa détention préventive. Plus de 200 personnes venues apporter leur soutien du président de l’APRODH s’étaient massées devant les portes du tribunal, certaines vêtues de vert, couleur des détenus au Burundi.

En outre, le 5 juin 2014, une audience s’est tenue devant la chambre de conseil de la Cour d’appel de Bujumbura, qui a à son tour refusé la remise en liberté provisoire de M. Pierre Claver Mbonimpa, dans une décision rendue le 9 juin. Au 16 juin 2014, ce dernier reste par conséquent en détention.

L’Observatoire s’inquiète de la poursuite de la détention et du harcèlement judiciaire de M. Pierre Claver Mbonimpa, qui ne semblent viser qu’à entraver ses activités en faveur de la défense des droits de l’Homme, et appelle les autorités burundaises à procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle.

Rappel des faits :

Le 15 mai 2014 aux alentours de minuit, M. Pierre Claver Mbonimpa a été arrêté à l’aéroport de Bujumbura par un agent du Service national de renseignement. Il a ensuite été transféré dans les locaux de la police judiciaire de Bujumbura, où il a passé sa première nuit en détention.

Suite à son audition devant le parquet le 16 mai 2014, M. Pierre Claver Mbonimpa a été mis en accusation sur le fondement des articles 579 et 602 du Code pénal respectivement pour « atteinte à la sûreté de l’État », et « incitation à la désobéissance publique » et « troubles de la paix publique » en lien avec des remarques formulées sur la Radio publique africaine (RPA) le 6 mai 2014 et dénonçant l’existence de centres d’entraînement de jeunes Burundais à l’est de la RDC.

Antérieurement à son arrestation M. Pierre Claver Mbonimpa avait été cité à comparaître à trois reprises devant la police judiciaire de Bujumbura, respectivement les 7, 12 et 14 mai 2014, en lien avec ses déclarations sur la RPA. Les convocations successives de M. Pierre Claver Mbonimpa font également suite à son travail sur la militarisation et les activités des « Imbonerakure », la ligue des jeunes du parti au pouvoir (le CNDD-FDD). Les jeunes « Imbonerakure » sont suspectés de s’armer et de s’entraîner militairement en RDC [1]. M. Mbonimpa aurait coopéré avec la police et aurait donné les noms de personnes rendant visite aux « Imbonerakure » établis en RDC. Le président de l’APRODH a affirmé détenir des preuves, notamment des photographies, qui viendraient étayer ses propos et a été invité à les fournir lors de ses convocations des 7 et 12 mai, auxquelles il s’est présenté.

N’ayant pu se rendre à la convocation du jeudi 15 mai en raison d’un déplacement à l’étranger, son avocat Me Armel Niyongere a comparu expliquant les motifs de l’absence de son client. M. Mbonimpa a reçu dans la soirée une nouvelle convocation pour le lundi 19 mai. Malgré l’existence de cette convocation, un mandat d’arrêt a été néanmoins signé par le Procureur de la municipalité de Bujumbura le jeudi 15 mai.

Le 20 mai 2014 à 9h30, M. Pierre Claver Mbonimpa a comparu devant le parquet de la mairie de Bujumbura. Vers 14h, il a été ramené à la prison centrale de Mpimba après près de quatre heures d’audition, au cours desquelles il a été interrogé sur ses déclarations dans la presse sur l’existence de centres d’entraînement et sur les preuves qu’il dit détenir à cet égard.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités burundaises en leur demandant de :

- i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Pierre Claver Mbonimpa et de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Burundi ;

- ii. Libérer M. Pierre Claver Mbonimpa de manière immédiate et inconditionnelle, son arrestation ne semblant viser qu’à entraver ses activités en faveur de la défense des droits de l’Homme ;

- iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de M. Pierre Claver Mbonimpa, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Burundi ;

- iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

  • à son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international »,
  • à son article 6(b), selon lequel « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales »,
  • à son article 12.2 qui dispose que « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;

- v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Burundi.

Adresses :
- S.E. Pierre Nkurunziza, Président de la République, Présidence de la République, Boulevard de l’Uprona, Rohero I, BP 1870, Bujumbura, Burundi. Fax : +257 22 22 74 90
- M. Prosper Bazombanza, Premier Vice-président, BP 1870, Bujumbura, Burundi. Fax : +257 22226424
- Lt General Major Pontien Gaciyubwenge, Ministre de la Défense nationale et des anciens combattants, Fax : +257 22253215 / 22253218, Email : [email protected]
- Me Clotilde Niragira, Ministre de la solidarité nationale, des droits de la personne et du genre BP : 6518 Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 25 82 50
- Commissaire Gabriel Nizigama Ministre de la sécurité publique, BP : 1910 Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 24 53 51, Email : [email protected]
- Mission permanente de la République du Burundi auprès des Nations unies, rue de Lausanne 44, 1201 Genève, Suisse. Fax : +41 22 732 77 34. Email : [email protected]
- Ambassade du Burundi à Bruxelles, Square Marie-Louise 46, 1000 Bruxelles, Belgique. Fax : +32 2 230 78 83, Email : [email protected]

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Burundi dans vos pays respectifs. Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel




L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
- E-mail : [email protected]
- Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
- Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29




[1] Une note confidentielle de l’ONU datée du 3 avril 2014 fait part de la distribution d’armes (en particulier du type AK-47) et d’uniformes aux jeunes « Imbonerakure », et décrit leur militarisation comme constituant « une menace majeure pour la paix au Burundi ». Les « Imbonerakure » sont accusés de commettre des violences politiques à l’encontre de l’opposition. Depuis le début de 2014, ils ont été impliqués dans 27 cas de violences dont 23 à caractère politique. La jeunesse du parti au pouvoir opère en toute impunité à la manière d’une milice, ne répondant plus devant les forces de l’ordre et agissant selon une chaîne de commande décentralisée. Accessible à : http://burundiintwari.com/ ?p=2281.





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