Solidarité internationale et luttes sociales en Afrique subsaharienne |
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1947 - 2007 : histoire et mémoire, l’affaire de Madagascar 19 octobre 2007 - La déclaration du Président Français Nicolas Sarkozy, lors de sa rencontre avec les étudiants Sénégalais à l’Université Cheikh Anta Diop, n’a pas fini de soulever sur le continent, des commentaires choqués, indignés ou déçus, exprimés par la majorité des Africains. Récemment encore, sur les ondes de Radio France Internationale (RFI) l’historienne Mme A. Konaré, épouse du Président de la Commission de l’Union Africaine Alpha O. Konaré, dénonçait le contenu de ce discours, à connotation paternaliste, dépréciant l’Afrique, sa culture, et minimisant les séquelles du colonialisme. Elle appelait à la mise en place d’une Commission chargée de la « Sauvegarde de l’Histoire de l’Afrique » ; Mme Konaré exhortait les historiens, Africains, Français, et autres à s’investir dans ce projet. Pour ce qui concerne Madagascar, qui est depuis 1963, co-fondateur et membre à part entière de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) devenue Union Africaine, ce projet revêt un intérêt certain, pour de multiples raisons. A ce propos rappelons que cette année 2007 a été pour les Malgaches, l’occasion de commémorer le 60ème anniversaire du 29 Mars 1947, date à laquelle éclatait une révolte anti-colonialiste, qui s’inscrit comme un évènement majeur dans l’histoire de la longue lutte du Peuple Malgache pour sa libération nationale et sociale. Rappelons les faits : Dans la nuit du 29 au 30 Mars 1947, un groupe de Malgaches insurgés, attaque le camp militaire de Moramanga, nœud de la voie ferrée reliant la Cote Est de l’Ile à la capitale Tananarive ; au même moment dans le Nord du pays, un autre groupe tente un coup de force contre un dépôt d’armes à Diego-Suarez (aujourd’hui Antsiranana), tandis que d’autres insurgés s’attaquent à des bâtiments administratifs à Sahasinaka, Manakara, Vohipeno (dans le Sud-Est de l’Ile). Durant les 18 mois qui suivent, la révolte gagne une bonne partie de la Cote-Est, les insurgés et la population en dépit de moyens dérisoires, s’attaquent, ou ripostent aux forces armées françaises chargées de la « pacification », dont une bonne partie est originaire du Sénégal, des Comores, de France Métropolitaine. Soulignons que dès la mise en œuvre de la Loi d’annexion du 6 Août 1896, qui fit de l’Etat souverains qu’était Madagascar, une colonie Française, et durant les décennies qui suivirent , en 1912, 1916, 1929, 1936,... la résistance du peuple malgache se manifeste sous diverses formes, d’une part , face aux exactions de l’administration coloniale et des colons, aux travaux forcés, au vol de leurs terres, à la discrimination raciale, et, d’autre part , il exprime avec de plus en plus de force ses aspirations à l’Indépendance. En 1946, au lendemain de la deuxième guerre mondiale qui voit la victoire des Alliés sur le nazisme,à Madagascar, à l’instar des autres pays de l’Empire colonial français, le mouvement d’émancipation prend de l’ampleur. La revendication de l’Indépendance, est incarnée à ce moment, par le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM). Créé à Paris en 1946, le MDRM suscite un véritable engouement populaire à travers l’Ile. En quelques mois les effectifs des adhérents atteignent les 300 000. Les élections des représentants de Madagascar à l’Assemblée Constituante Française, donnent à deux reprises (juin et novembre 1946) la victoire aux candidats du MDRM : Raseta, Ravoahangy et Rabemananjara. Inquiets devant cette situation, les tenants du colonialisme, administration et colons, usent de tous les moyens pour contrer le MDRM. Au début de 1946, le Ministre de la France d’Outremer Marius Moutet, télégraphie au Haut-Commissaire à Madagascar, « qu’il faut abattre le MDRM par tous les moyens » Les actes de violence, les arrestations arbitraires, les provocations, se multiplient, contre les dirigeants et militants du MDRM. A Paris, le Gouvernement Français, rejette d’un revers de la main, la proposition de Loi des députés Malgaches, portant « abrogation de la Loi d’Annexion du 6 Août 1896 » et stipulant que « Madagascar, est un Etat libre ayant son Gouvernement, son Parlement , son armée et ses Finances, au sein de l’Union Française. » (nous soulignons). La colère des malgaches est à son comble, et des jeunes de plus en plus nombreux prêtent une oreille attentive aux appels des Sociétés secrètes, telles que le Jina et le Panama, à prendre les armes. L’exaspération populaire débouche sur cette révolte du 29 Mars 1947, qui fut à l’origine de ce que l’on a appelé « L’Affaire de Madagascar » Des zones d’ombre planent encore sur ce drame. Mais, à partir des faits, rapportés, par la presse, des parlementaires, des témoins, des chercheurs et historiens, on peut parler d’une « véritable guerre » menée contre le Peuple Malgache. N’est-ce pas ce qu’annonçait le Haut-commissaire Français Marcel Da Coppet, le 18 avril 1947, dans un discours à Betafo (bourgade située à quelques 200 kilomètres de la capitale) ? « Si le Peuple malgache veut la guerre, il aura la guerre » déclarait-il ; une guerre qui a nécessité l’envoi de quelques 30 000 soldats, de l’union Française, de la Métropole et de l’Outremer. Aussitôt qu’eut éclaté la révolte, les militants et dirigeants du MDRM à travers l’île, sont pourchassés, arrêtés, détenus dans différentes prisons. L’Avocat Général Maurice Rolland, écrit au Haut-Commissaire pour « l’alerter » sur l’importance du problème pénitentiaire à Madagascar « 20 000 détenus, dont 5 000 à la suite de l’insurrection » ( lettre du 16 avril 1948). Les mois d’avril et mai 1947 sont marqués par des évènements, dont il faut retenir quelques dates :
Au cours des mois qui suivent, les témoignages des avocats français envoyés par le Secours Populaire Français, des familles des détenus, des rescapés qui ont fui leur village, des membres de commissions parlementaires, dénoncent la férocité de la répression :
En 1948, à l’issue du procès des dirigeants et des parlementaires du MDRM qui a duré trois mois (juillet-octobre 1948), la sentence prononcée par une cour criminelle, condamne 6 accusés à mort, 4 aux travaux forcés à perpétuité et 7 autres à des peines allant de 5 à 20 ans de prison ou de travaux forcés. Les condamnés à la peine capitale seront par la suite graciés, puis astreints à résidence, et libérés sous conditions. Mais les sentiments patriotiques des Malgaches, n’ont pu être étouffés ni dans le sang, ni par la terreur. Quelques années plus tard, les retombées de la répression colonialiste, attisent l’indignation de l’opinion, et conduisent à l’émergence de nouvelles énergies incarnées par le Comité de Solidarité de Madagascar, créé en Mai 1950. Le Comité engage de multiples actions pour mobiliser l’opinion nationale et internationale autour des objectifs suivants :
Ce combat pour la Justice, mené dans des conditions difficile, parfois même périlleuses, devait porter ses fruits, lorsqu’en 1957, une loi promulguée par le Gouvernement Français, amnistiait tous les condamnés à la suite des « évènements » de 1947. Trois ans plus tard, la Grande Ile recouvrait son Indépendance Le Comité de Solidarité de Madagascar reste jusqu’à ce jour, fidèle à l’engagement qui a présidé à sa fondation, en témoignant afin que cette période tragique de l’histoire de Madagascar, ne soit pas jetée aux oubliettes. Révisionnisme ?Plus d’un demi-siècle s’est écoulé. Les plaies se sont refermées, mais la douleur est toujours présente, lancinante... il faut toutefois retenir que :
Le nombre de Malgaches victimes de la répression, a été et reste un sujet de polémiques initiées par certains historiens qui fustigent les « exagérations » accusant au passage, les communistes français de manipulations. Un nombre toutefois plus important d’historiens estiment que le nombre de morts, avoisinerait les 40 000 sur une population de 4 millions à l’époque ! Cette comptabilité macabre mérite une plus ample réflexion et des recherches plus poussées, lorsque l’on sait que des villages entiers ont disparu, incendiés par la troupe ou bombardés à l‘aveuglette. Comment penser que les victimes aient été recensées à l’unité près dans ces conditions ? D’autant que les historiens relèvent que « de nombreuses archives se sont ouvertes surtout depuis une décennie cependant celles concernant le secret défense et les archives personnelles des individus encore vivants restent confidentielles « (Lucille Rabearimanana , Historienne - interview du journal L’Hebdo de Madagascar- 0111-31 Mars/06 Avril 2007) Quoi qu’il en soit la volonté de minimiser l’ampleur de la répression existe de la part de certains milieux en France (politiques, historiens, gens des médias...) et le silence des dirigeants et décideurs étatiques, sur cette « affaire de Madagascar » interpelle. En 46 ans, trois chefs d’Etat français ont visité officiellement la Grande Ile. Ce n’est qu’en Juillet 2005, que, le Président Chirac, qui participait au Sommet de la Commission de l’Océan Indien (COI) abordait clairement ce sujet brûlant en déclarant notamment : « Il faut aussi évoquer les pages sombres de notre histoire commune et avoir conscience du caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial [...] Rien, ni personne ne peut effacer le souvenir de toutes celles et de tous ceux qui perdirent injustement la vie, et je m’associe avec respect à l’hommage qu’ils méritent » Si certains commentateurs, ont regretté la « timidité » de ces propos du Président Chirac, bon nombre de Malgaches (dont notre Comité) ont pris acte, avec satisfaction, de cette prise de position qui tranche, sur celle de ses prédécesseurs. Ils ont aussi retenu son appel au devoir de mémoire qui incombe aux malgaches et aux français, car, disait-il, « ... nous ressentons aussi ce désir profond que nous avons, nous Malgaches et Français de vivre en paix avec le passé. Poursuivons un travail de mémoire qui retrace les faits et puisse apaiser les cœurs. » On comprend ainsi que l’opinion malgache et internationale, aient relevé la réponse sidérante du Président Marc Ravalomanana, qui, au lieu d’applaudir son hôte, a rappelé « qu’il n’était pas encore né en 1947 » et que seul l’avenir l’intéressait ! Sans haine ni désir de revanche1947 : soixante ans après, une question taraude tous ceux et celles qui constatent le silence sciemment entretenu autour de cette tragédie. Les évènements survenus en France, apportent toutefois un éclairage utile sur l’existence de manœuvres d’envergure, pour tenter d’occulter des pans entiers de l’histoire coloniale de la France. En 2005 éclate la polémique autour du fameux article de loi vantant le « rôle positif « de la colonisation française. En 2006, le Ministre de l’intérieur, aujourd’hui Président de la République ne fustigeait-il pas, dans un discours « ... Ceux qui préfèrent attiser la surenchère des mémoires pour exiger une compensation que personne ne leur doit... » (Agen- juin 2006) Cette même année, des penseurs, et des historiens militent, dans différentes publications, pour « dénoncer » , le « mythe de la repentance coloniale (qui) est une arme permettant de désarmer moralement l’Europe face à la contre-colonisation de peuplement qu’elle subit actuellement... » (Pour en finir avec la colonisation- Bernard Lugan - l’Echo Austral - février 2007) Dans le même temps, comment ne pas se sentir encouragé, en écoutant les échos de la contestation de milliers de Français qui s’insurgent contre l’instauration du contrôle ADN pour juguler les regroupements familiaux, dans le cadre de « l’immigration choisie ». Revient alors en mémoire, l’engagement courageux de nombreux Français de tous bords, de gauche (communistes, socialistes,) comme de droite, syndicalistes, religieux hommes et femmes de lettres et de science, etc... qui, en 1947 et les années suivantes, se sont levés pour dénoncer les crimes commis contre le Peuple Malgache, coupable d’avoir voulu l’indépendance de son pays. L’énoncé de la férocité de la répression, serait incomplet, si l’on ne rappelait le massacre du wagon de Moramanga qui coûtât la vie à 166 malgaches, qui n ’étaient même pas des « combattants » mais de simples citoyens. Le Comité de Solidarité de Madagascar, en mai dernier, a spécialement marqué le 60e anniversaire de cet évènement dénoncé unanimement par les historiens, comme un des pire crimes de la colonisation au siècle dernier. Voici le résumé de cette tragédie : « Le Chef de District d’Ambatondrazaka Le Chevanton fait procéder à des arrestations massives de militants MDRM. Le 5 Mai, 166 otages sont transférés à la Gare et enfermés dans trois wagons plombés affectés d’ordinaire au transport des bestiaux. Le convoi s’ébranle et arrive au début de l’après-midi en gare de Moramanga. Vers minuit, sous prétexte que des insurgés s’apprêtent à délivrer les otages, les militaires de garde reçoivent l’ordre de faire feu sur le train. Il reste 71 survivants de cette tuerie, qui sont mis en prison, soumis à la question et laissés sans nourriture. Le Jeudi 8 Mai, ils sont conduits au peloton d’exécution devant des fosses creusées au préalable, ils sont tous abattus. L’ordre d’exécution est signé du Général Casseville. L’un des otages Rakotoniaina, laissé pour mort s’échappera et racontera le massacre » (source : Jacques Tronchon, l’insurrection Malgache de 1947 - Kartala pp. 72-73, 292, 295 -Françoise Raison Jourde, Le soulèvement de 1947, Clio en Afrique n°4, printemps 1998 ; Yves Benot, Massacres coloniaux, La découverte, 1994, p. 122) C’est une des raisons pour laquelle le Comité de Solidarité de Madagascar, s’est attelé tout particulièrement à la recherche des noms de ces 166 victimes, afin que les générations présente et à venir, se souviennent. Ce travail complexe, après 60 années jalonnées de bouleversements, à Madagascar en France comme dans le monde, revêt une importance à ne pas sous-estimer, et représente une pierre dans la construction de l’édifice consacré à l’histoire de l’Afrique et de la colonisation. Pour rompre avec le passé, il importe que les Malgaches et les Français, jettent un regard lucide sur ces évènements, et s’engagent ensemble à la recherche des voies et moyens, afin que Justice soit enfin rendue au Peuple Malgache. Et cela, sans haine ni désir de revanche. Gisèle Rabesahala, Présidente du Comité de Solidarité de Madagascar |
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